1 L’Onsquien, une langue originale
Attention : pour ceux qui ne l'avait pas compris, l'Onsquien ou Ónska est une langue construite, artificielle ! ...
Certes, cette langue est originale à plus d’un titre ; langue oubliée pendant des siècles et révélée pour la première fois en 1972 par Jean Sauvageot (appelé aussi Jan Vildis), elle ne peut dissimuler son antiquité puisque ses racines remontent à la fin de l’Empire Romain. Par le renouveau qu’elle entrepris, elle s’insère dans un processus de liberté et d’ouverture dont peu de langues peuvent prétendre à cause de la lourdeur de leurs «administrations».
Langue archaïque, à qui tout un pan de l’évolution manquait, le burgonde s’est librement affirmé et faisant fi d’une mondialisation envahissante a décidé son avenir sur les bases de ses plus hautes traditions.
Langue originale par son histoire, le burgonde peut prétendre être la seule langue germanique issue d'un rameau que l'on supposait, jusqu'il y a peu, éteint.
Ainsi, si l’Islandais, le Norvégien, le Danois, le Suédois et le Féroien sont issus de la branche Nordique du Germanique et que l'Anglais, l’Allemand, le Néerlandais et l’Afrikaans représentent les héritiers du rameau Westique, on pensait jusqu’alors que les Vandales, Gots et autres Hérules et Burgondes n’avaient pas laissé de descendance linguistique depuis le Haut Moyen-Age. Branche morte, celle des langues ostiques si bien représentée par le gotique du IIIème siècle de l’évêque Wulfila ? La redécouverte récente de la langue des Burgondes, permit à tous les germanistes, spécialistes de linguistiques, de revoir leurs traités et de retourner à leurs chères études.
Car le burgonde s’inscrit bien dans la même logique que cet antique gotique et possède bien les mêmes caractéristiques qui permirent d’isoler et de hiérarchiser les langues germaniques en trois branches.

Ainsi, on retrouve en burgonde les mêmes éléments qui caractérisait le gotique par rapport aux autres langues germaniques :
• maintien d’un -z- ou d’un -s-, là ou les langues westiques et nordiques usent d’un -r-: got. hausjan, onsq. heysa ≠ alld. hören, angl. hear, isl. heyra «entendre» ;
• maintien d’un -i- là ou les langues westiques et nordiques ont -e- : got. wigs, onsq. vig ≠ alld. Weg, angl. way et isl. vegur «chemin» ;
• non redoublement des consonnes là où les langues westiques le font : got. akrs, onsq. akir, isl. akur s’opposent à alld. Acker ;
• rareté des inflexions : si elles sont très fréquentes en allemand, anglais et surtout islandais, le gotique ne les connait pas ; le burgonde les limite à certaines situations et sur quelques voyelles : got. batiza ≠ alld. besser, angl. better, isld. betur et onsq. betis «meilleur» (notez en passant le traitement des consonnes intermédiaires et du -r- final).

1.1 Une langue survivante
Avec quelques 18000 locuteurs évalués répartis au mileu d’une population francophone de plus de 300000 personnes, le burgonde peut bien apparaître maintenant comme une langue minoritaire en danger. Toute son histoire entre Vosges et Jura a été marquée par une lutte secrète pour sa défense et sa préservation, malgré l’effritement de son territoire au fil des siècles. Langue des charbonniers, des bergers des forestiers et des paysans les plus pauvres, isolés dans leurs forêts et leurs montagnes qui étaient bien souvent leurs refuges, le burgonde a failli définitivement disparaitre. Son renouveau et sa sauvegarde s’affirmera peut-être maintenant grâce aux villes.
En effet, après sa redécouverte à partir de 1972, ce sont les intellectuels de Monbéliard et de Belfort qui ont repris le flambeau de son avenir alors que les campagnes lentement baissaient les bras.

Monbéliard (Álsborg) fut de tout temps le centre historique des Burgondes du Jura; principauté protégée et tolérante pendant de nombreux siècles, elle possédait une élite d’origine burgonde (et souvent protestante) importante. La première traduction de la Bible fut réalisée dans cette ville en 1574 par Hans Bomgart (Jan Treewis Jakobsun) qui était également pasteur de la petite communauté burgonde. Les seuls documents datés des XVII et XVIIIème siècle dans cette langue proviennent de cette ville ou de ses proches horizons.
Belfort (Hánborg) est une ville à l’histoire «plus récente» : sa population burgonde est populaire et est issue des villages voisins venue travailler à partir des années 1870 dans les usines locales. Ces deux traditions se mêlent pour donner maintenant toute la vigueur et l’espoir à cette langue pour sa survie.

1.2 Particularité linguistique
1.2.1 Une langue archaïque ?
Outre le fait d’être à ce jour la seule langue germanique issue du groupe ostique, le burgonde s’affirme comme une langue «archaïque» et cela à plus d’un titre. Alors que l’histoire des autres langues est caractérisé par une évolution vers des formes de simplifications diverses : grammaire, prononciation, vocabulaire ..., le burgonde a conservé ou même accentué les caractéristiques anciennes de la langue ancestrale.
Un exemple manifeste se rencontre dans la prononciation : autant les langues germaniques actuelles ont évolué vers des sons atones, autant le burgonde est riche de ses voyelles (notamment le «a», le «u» et le «i») ; ainsi l’adjectif skón, «beau» dont le Nom. Sg. de la déclinaison faible fait skónja et s’oppose par son vocalisme à l’allemand schöne. Les voyelles sont franches, les combinaisons de consonnes n’atteignent pas le particularisme anglais ni la complexité de l’allemand.
La grammaire a conservé toutes les richesses des langues germaniques anciennes et en a conservé la souplesse notamment au niveau de la syntaxe en ce qui concerne par exemple l’ordre des mots : le burgonde est une langue parlée qui n’a pas été figée par une codification artificielle académique.
Quant au vocabulaire, le burgonde, ou onsquien, a maintenu sa très grande habilité à absorber les contextes nouveaux, à créer à partir de son propre fond linguistique de nouveaux mots, à générer de nouveaux concepts au plus près de son évolution, sans artifice ni recours à des formations «savantes» mais incomprises ou des emprunts abusifs.

1.2.2 Les différences locales
Au sein de la langue burgonde paraissent quelques différences malgré la petitesse de son territoire de diffusion actuelle. Deux secteurs apparaissent régulièrement avec un «pays nordique» où probablement l’influence de l’alémanique a été conséquent au niveau des emprunts mais également au niveau de la prononciation, et un «territoire méridional», plus conservateur notamment vis à vis de la prononciation. Les études, notamment sur les documents anciens, ont montré que sur le territoire linguistique du XVème siècle, ces différences étaient déjà marquées : une ligne fictive allant de Lure à Porentruy en passant par Villersexel et Mandeure sépare les deux secteurs.
Les caractéristiques en sont les suivantes :
• différence de traitement de la diphtongue «ei» aboutissant en zone sous-vosgienne à «í» (hveit et hvít «blanc»)
• différence de traitement de la diphtongue «au» aboutissant en maintes positions à «ú» en zone sous-vosgienne (raud et rúd, «rouge»)
• le son æ long est prononcé comme «ai» en zone jurassienne
• le «d» intervocalique ou final correspondant au «þ» germanique est rendu comme le «th» anglais de «then» en zone jurassienne